Je n’interpréterai pas Jack Smith. Je n’interpréterai pas Jack Smith. Je n’interpréterai pas Jack…

— Felix Bernstein

© Jack Smith Archives, Gladstone Gallery, New York et Bruxelles

© Jack Smith Archives, Gladstone Gallery, New York et Bruxelles

Requin vs pieuvre

Les artistes ont beaucoup à apprendre des tactiques de mimesis et de subterfuge utilisées sous les mers par des proies fuyant leur prédateur. Par exemple, la pieuvre échappe au requin en se couvrant d’une coquille. Lorsque le requin la flaire, la pieuvre s’enfuit, laissant derrière elle une coquille vide, au grand dam du prédateur. Pour l’océanographe, les coquilles rejetées sont la manifestation d’un rituel spontané. Il salue la coquille comme un reste de son caractère élusif, une trace durcie d’une trajectoire non recouvrable, puisque la pieuvre ne s’arrêtera jamais de fuir, en grande partie comme l’artiste, qui essaye toujours d’échapper à la spécificité du médium, y compris celui que l’on appelle « art multimédia ». Les océano­graphes doivent décider de ce qu’il faut collecter, puisque les reliques ne sont pas censées être conservées après le rituel, mais elles peuvent aussi avoir une valeur scientifique précisément pour cette raison. La chasse ne s’arrête pas une fois les coquilles encadrées et étiquetées, il faut attraper la pieuvre. En fin de compte, toutes les cibles mouvantes se trouvent exposées par leurs stratégies répétées et donc flagrantes. Dans la chaine alimentaire, les artistes ne sont pas comestibles et peuvent donc échapper au monde du requin, mais les pertes seront élevées. Le curateur astucieux assemble consciencieusement les fils fictifs laissés par l’artiste afin que le critique puisse juger de leur pertinence. De cette façon, l’œuvre d’art est considérée comme un classique intemporel, un artefact historique, ou un œuf pourri. Mais cette catégorisation est totalement vaine. Le plus important est de savoir si oui ou non le crustacé est croustillant, ou si le bernard-l’ermite a des idées fraîches[1]. Répondre à cette question requiert une adéquation avec les distinctions micro-esthétiques qui ne sont pas alignées à 100% avec les catégories, identités ou thèmes kantiens.

L’artiste Jack Smith faisait sans cesse des distinctions mineures entre les Bonnes et Mauvaises versions du Bathos[2], du Trash, de l’Ennui, du Pâteux, des Superstars, du Moisi[3]. Aujourd’hui, ce genre de préférences esthétiques prônées par Smith sont jugées comme des symptômes du néo-libéralisme et elles ont été sacrifiées aux Pay-to-Pride Design Centers for Beautiful Souls to Chat with Always Already Artificial Intelligence Bots in Unglamorous Magazines of Automated Institu-tional Critique Praising Totally Administered Trash Aesthetics like the Queer Sanitation Depart-ment’s VR 2019 Met Fashion Show On Camp Featuring Plaster Starbucks Goddess Gaga[4].

Contrairement au paradis récupérable de l’utopisme virtuel du cinéma visionnaire queer, l’Atlan-tide de Smith fut fragmentée et détruite jusqu’au cœur. Sous les couches de croûtes subsistent d’autres croûtes – pas de belle âme authentique ou de trésor archéologique mais une esquive permanente et des voiles infinis, de mots comme des masques, et des masques comme des vérités. La rétrospective Smith à Artists Space en 2018, Art Crust of Spiritual Oasis, organisée par Jay Sanders et Jamie Stevens, a laissé Smith tel qu’il était, ni informe ni formel, mais plutôt déformé. Au lieu de révéler, la rétrospective se délectait du désordre horizontal qu’était déjà le tombeau posthume de Smith – mettant de côté les interprètes asphyxiants et les allégoristes unilatéraux.

Artist Talk d’un anti-artiste qui ne parle pas

Les séries de projections au cinéma Metrograph de New York, qui accompagnèrent la rétrospective Art Crust of Spiritual Oasis d’Artists Space, se terminèrent avec la première d’une vidéo de 100 minutes relatant la performance de Smith à l’Université du Colorado de Boulder le 27 octobre 1980. Cette vidéo récemment exhumée accompagnait les plus connues, Flaming Creatures, Normal Love, Scotch Tape et I Was a Male Yvonne de Carlo. Projeter cette performance dans un prestigieux cinéma fut une sorte de coup, étant donné que Smith, en refusant de produire des films achevés, a transformé sa vie en cinéma. Enregistré par hasard par un étudiant, le « documentaire » était incroyablement non-cinématographique – une caméra pas très stable suivait mal l’action et les images paraissaient surexposées, mais sans le flou vaporeux et luxuriant de Flaming Creatures. De plus, la présentation de Smith était éprouvante, dépourvue de tout événement, très représentative du style de ses dernières performances, que très peu de personnes ont eu le courage d’endurer jusqu’au bout. Ce n’est que justice poétique que Stan Brakhage ait invité Smith et qu’il ait présidé l’événement. Brakhage a également transformé sa vie en cinéma mais par des moyens opposés : une surproduction de film achevés, jusqu’à sa mort[5].

Dans une salle d’université comble présidée par Brakhage, Smith n’a réussi à répondre à aucune des attentes de didactisme. Au contraire, il a délivré un discours bafouillant et embryonnaire. Vêtu d’une veste léopard, il est monté au podium et a commencé à marmonner lentement une déclaration sur l’art, mais n’a pu proférer que quelques phrases avant de gigoter, s’arrêtant puis s’emballant, pour finalement laisser la musique, les danseuses du ventre et les lumières continuer le show. On ne trouvait là rien de l’armature présente dans les efforts warholiens de déstabilisation ambiante, pas plus que la réflexivité ouverte sur l’illusion de la performance filmique structuraliste de A Lecture de Hollis Frampton. Malgré l’absence de dogme explicite, Smith était religieusement anti-illusionniste ; sa croyance en la science chrétienne impliquait un déni de toute donnée senso-rielle en tant qu’illusion matérialiste via une version américaine de l’idéalisme d’un Berkeley. Il employait souvent une signalisation méta-structurelle, comme lorsqu’il écrivait « C’est un essai » à la fin d’une critique d’art de forme libre. Mais, dans le jeu du plus fort continuellement engagé avec son public, il ne reconsidérait jamais son étalage d’illusions fantasques. Ainsi, Smith créait l’effet d’être spectaculaire et aliénant, mais sans la détermination d’un Brecht, l’ambiance d’un Warhol ou l’indétermination d’un Cage. C’est pourquoi de nombreuses caractérisations de Smith dépendent de ce que l’on a appelé une esbrouffe binaire, un trope surjoué comme une tentative de saisir la singularité stylistique et la politique sexuelle sans précédent de Smith. Par exemple, dans son introduction à Wait for Me At the Bottom of the Pool, J. Hoberman avance que ses écrits sont « inclassables et d’un seul tenant », que Smith exhibe « somnolence et hystérie », qu’il est « a-alphabète » et mystique, ésotérique et exotérique, visuel et verbal, etc[6]. Les doubles lectures de Smith transparaissaient également dans les réactions de son public à Boulder, selon Mary Jordan :

Ils [les étudiants/les spectateurs] disaient qu’il était dangereux d’avoir affaire à lui, qu’il était complètement fou, qu’il leur demandait des tonnes de choses qu’ils ne pouvaient pas faire. Il leur a même écrit une lettre haineuse après son départ. Ils m’ont dit qu’ils avaient mis des années à comprendre que ce type les avait réellement épatés et qu’il avait changé pour toujours leur regard sur l’art[7].

Il y a une parallaxe entre les premières opinions sur sa présentation à Boulder et les plus tardives. Il est d’abord vu comme un mégalomaniaque qui se raccroche sans réfléchir à toutes les branches ; et rétrospectivement, il est vu comme offrant une œuvre intentionnelle, une source d’inspiration. Alors qu’il est facile de louer le talent photographique de Smith pour monter des tableaux baroques, rares sont ceux qui apprécient son utilisation et son abus – tout aussi baroques – de tropes allégoriques et rhétoriques dans ses interventions et ses écrits. C’est parce que la rhétorique baroque a pratiquement disparu du discours sur l’art. Aujourd’hui les « écrits d’artistes » sont devenus une critique institutionnelle assemblée en série dans une tonalité homogène, et tout écart est harponné par les éditeurs ou bien jugé psychotique. Mais l’écriture de Smith, tout en étant non académique, n’affichait aucun dégoût pour le langage. Il était effectivement contre les techniques conceptuelles telles que les cut-ups, en raison de sa croyance dans le pouvoir de l’artiste d’utiliser les mots comme des gestes puissants[8]. Au contraire, son écriture montre une utilisation excessive de conventions rhétoriques (ce qui est sa propre convention, l’hyperbole). Son allocution intro-ductive à Boulder en est une bonne illustration :

Aloha du monde fascinant de l’art socialiste. Je sais ce que vous pensez, c’est de l’art capitaliste, et qui plus est le glamour est pour les films. Je ne le pense pas. Les gens ont toujours été glamour, regardez l’architecture antique – Maria Montez l’a prouvé. Est-ce que quelqu’un pourrait m’aider avec ce micro-cravate[9] ?

Il commence par utiliser ironiquement la tactique de rhétorique classique de l’anamnèse, et en appeler à la grandeur de l’architecture antique, pour renforcer son goût pour le glamour et pour Maria Montez ainsi que pour nous initier à son culte du mystère ésotérique, en faisant appel à des icônes exotériques. Ce qui suit est un questionnement conjectural visant à faire disparaître la fracture entre l’art capitaliste et l’art socialiste, au prétexte que son œuvre est critiquée pour ne pas respecter les limites définitionnelles normatives et paraît capitaliste contrairement à ses affirma-tions. Son propre glamour entend troubler la fausse antinomie entre l’une ou l’autre interprétation. Son retour constant à Maria Montez est une figure de commoratio (répétition d’un point crucial), d’energia (description vivante) et de bathos ironique (anti-apogée contradictoire) qui va à l’encontre de l’aboutissement attendu des arguments autour d’un symbole sacré universel – Mère Maria. Comme d’habitude, Smith refuse de donner une narration diégétique de faits et de preuves, et préfère s’en remettre à ses intuitions charismatiques. Finalement, il condense ses syllogismes dans un simple enthymème (prototype classique pour le mème) : « Il suffit de regarder Maria Montez[10] ! »

Grammaires glamour

Après sa déclaration initiale, la présentation devient une élaboration en forme de pantomime qui émerge avec une force autotélique. Sa thèse est que ce glamour déstabilise les distinctions catégoriques. Les gestes glamour peuvent communiquer directement l’indicible, l’occulte, l’ésotérique et l’obscène en éludant tout référent illégal, illicite ou spécifique. Malgré leur nature insaisissable, les allégories glamour de Smith servent à convaincre et à inspirer à travers les différences culturelles ; la transmission des idées de l’artiste dans son cercle restreint et dans la culture populaire en fournit la preuve. Sa vitalité gestuelle excédait la force de son hermétisme. Savoir si ce glamour obsédant était l’obstacle, la cause, l’objet ou le répulsif de son désir est une question qui hante les interprétations de Smith. La poétesse Diane di Prima, figurante dans Normal Love et co-fondatrice du New York Poets Theater a écrit que pendant le montage de Normal Love, Smith « était ébloui par la vitesse et le glamour des séquences. Cela l’avait littéralement envoûté, à tel point que l’artiste n’a jamais pu émerger pour donner une forme ou un nom à son travail[11] ». Rétrospectivement, ce travail informe et anonyme est ce que nous considérons comme son corpus le plus influent – un surplus plutôt qu’un déficit de postures, de personas et de formes.

L’artiste-conférencier s’impose par la force archaïque déstabilisante du glamour qui a « toujours » existé, comme les ruines qui n’ont jamais été intactes, l’espace non-idyllique que Joyelle McSweeney appelle le « Necropastoral » de Smith. Il y a également d’autres interruptions : le micro et d’autres « défaillances matérielles de transmission » interfèrent à tous moments de l’absorption. Mais Smith a toujours conservé un glamour idyllique opérationnel, en considérant fermement les gestes communicatifs comme le cœur atomique de son art : sa fameuse déclaration : « Comment pouvez-vous ne pas … comprendre les mouvements et les gestes[12] ? »

Le déversement d’apories gestuelles par Smith est improvisé plutôt que noté à l’avance dans le script, mais pas déstructuré. Chaque élément théâtral contribue à sa méthode de « penser sur scène », ce qui entend déférer toute potentialité croustillante[13]. De cette façon, Smith est comme un David Antin camp, et il y a certai-nement un classicisme simulé pesant dans son ton pontifiant – son mugissement de baryton force l’attention et le timing faussé créé le suspense. Cependant, la principale différence entre cela et un poème parlé (talk poem) de Antin est que pour Smith le geste est l’unité principale se déroulant en temps réel, surpassant le verbal-visuel et les domaines mentaux-physiques. Ainsi, ses entrées et sorties des tableaux, qui incluent la pose du « Penseur » (ou du fou, du prophète, de l’ange…) sont aussi importantes que ses entrées et sorties d’une thèse. Smith a plus de thèses et d’arguments à son crédit que l’on ne pourra jamais lui en donner parce que la division du travail interprétatif parmi les théoriciens, archivistes et artistes rend impossible à la lecture ses performances sans y surimposer une gestalt esthétique sur l’œuvre au moyen d’un acte de foi.

Non art non autonome

Smith est à la fois plus conventionnel que ne l’admettent ceux qui affirment qu’il est « non collectionnable », totalement indéterminé, ou psychotique (en raison de ses emprunts au théâtre et qu’il se considère comme un cinéaste-auteur), mais aussi moins conventionnel que l’approche journalistique qui fait de lui le fondateur de la politique queer (avec sa théâtralité macabre et sinistre). Les interprétations sur le modèle de la transmission affective queer sont particulièrement risquées car la revitalisation des archives de Smith rencontre des écueils infinis, qui ne sont pas uniquement déterminés par le marché, mais qui sont inhérents à sa méthode. Nous manquons de techniques et de répertoires smithiens pour pouvoir réactiver l’ensemble de son œuvre, d’où la chute superficielle du sublime au ridicule qui surgit lorsque l’on tente l’exploit. Des experts de poids, tel que Tino Sehgal, ont contourné cet hermétisme en considérant leur travail comme une marque déposée susceptible d’être re-performée pour le plus offrant ; pour ne pas citer les perfor-mances achetables des compagnies de danse ouvertement anti camp. De plus, à force d’avoir été recyclées par Smith dans le programme Essential Cinema de l’Anthology Film Archives, ses œuvres canoniques manquent d’officialisation. Il apparaît qu’il voulait éviter toute canonisation « croustillante », mais plus probablement voulait-il un genre spécial de canonisation où les experts reconstruiraient son œuvre – exactement comme Duchamp qui, dans son « exil » volontaire du monde de l’art, construisait inlassablement des énigmes posthumes pour le futur public des musées.

Smith n’a pas, comme on le proclame souvent, rejeté le privilège de l’œuvre d’art autonome. Au contraire, il a abouti et répondu aux aspirations romantiques de l’autonomie de l’artiste, vis-à-vis de la maxime de Goethe, « toutes mes œuvres sont les fragments d’une grande confession ». La présence transparente autonome de l’auteur devenait le nouveau lieu de la totalité de l’œuvre d’art – toutes les autres parties rassemblées autour de l’auteur-star-monade-leader. Le besoin de Smith d’une localisation précise et d’un timing parfait pour manifester la présence de l’artiste est devenu une version postmoderne de l’œuvre d’art totale (Gesamtkunswerk), qui a rassemblé la musique, l’art visuel et la poésie dans une architecture sacrée et une communion parfaite, tel le Festspielhaus de Bayreuth pour Wagner (et pour les dernières performances de Smith, son appartement[14]). Par conséquent, Smith n’a pas seulement prophétisé la monstrueuse culture actuelle de la corporate drag fandom[15], mais aussi la domination post-postmoderne de l’expérience immersive qui confère un aspect sacré sans précédent à la présence de l’artiste/célébrité. Ceci est devenu un marché géant par la vente de babioles et de produits dérivés correspondant aux événements live dans la pop-music et le marché de l’art blue-chip ; couplé avec le fait de contacter et de trouver des artistes-modèles-stars « sans médiation » via des réseaux sociaux professionnels. Comme Smith l’adit dans Lobotomy in Lobster Land, « C’est une époque où même les masochistes peuvent crier[16]».

Traduit de l’anglais par Michèle Veubret

  1. [1] Note de Jerry Tartaglia sur les crustacés -adj. 1. (zoologie) appartenant ou liés à un large groupe d’arthropodes majoritairement aquatiques, comprenant les crabes, les homards, les cloportes et les bernaches. 2. (esthétique smithienne) une qualité mise en évidence dans une œuvre d’art, où la connexion essentielle entre la présence momentanée de la vie et l’œuvre elle-même est obscurcie ou perdue, résultant en une marchandisation de l’œuvre par les collectionneurs, les marchands d’art, les critiques, les exploitants et les hameçons humains … Dans une discussion avec des étudiants en art à Toronto en 1985, Smith a exposé sa théorie de la croustillance artistique. L’art qui a perdu le contact avec la vie est tombé dans les pinces du homard. Il existe hors du moment présent, tournoyant dans sa propre galaxie de monétisation, marchandisé par la connivence des marchands, des critiques et des collectionneurs.  Jerry Tartaglia, « The Interminable Examination of the Work of Jack Smith », Fleeting Realism, 2018, www.jerrytartaglia.wordpress.com/the-interminable-examination-of-the-work-of-jack-smith.
  2. [2] Figure de rhétorique qui exprime la chute du sublime au ridicule.
  3. [3] Dans ce cas, Smith ridiculise le travesti camp dans le fastueux Antoine et Cléopâtre de Samuel Barber, à la première donnée en 1966 au nouveau Metropolitan Opera House, sorti des ruines du Lincoln Center où Ken Jacobs avait filmé Smith dans Star Spangled to Death à la fin des années 1950. Par contre, il donne sa faveur aux œuvres « anti-plaster » de Walter De Maria, dans une critique qu’il clamait être impubliable, probablement en raison de ses nombreuses attaques du marché de l’art ; il y a aussi exposé sa théorie sur les « babioles » du monde de l’art, qui challengeait le travail de De Maria. Jack Smith, « Ammonia Pits of Atlantis: Evil in the Art World, or Walter versus the Giant Knick Knacks », in Wait for Me at the Bottom of the Pool: The Writings of Jack Smith, J. Hoberman et Edward Leffingwell (éd.), New York, High Risk, 1997, p. 97-102.
  4. [4] Littéralement, Centres de design Pay-to-Pride pour belles âmes, pour chatter avec des Bots Déjà Depuis Toujours Intelligence Artificielle dans des magazines peu glamour de critique automatisée et institutionnelle vantant une esthétique trash totalement administrée, comme le département d’hygiène de la diffusion en réalité virtuelle du gala du MET 2019 sur le camp montrant la déesse de Starbucks en plâtre Gaga.
  5. [5] D’un an plus jeune que Smith, Brakhage vivra jusqu’en 2003 ; Smith meurt en 1989, seulement neuf ans après cet événement.
  6. [6] J. Hoberman, « Jack Smith: Bagdada and Lobsterrealism », in Wait for Me at the Bottom of the Pool, op. cit., p. 14-23.
  7. [7] Steve Gallagher, « You Don’t Know Jack », entretien avec Mary Jordan au sujet de son documentaire Jack Smith and the Destruction of Atlantis (2006), Filmmaker Magazine, printemps 2007 : www.filmmakermagazine.com/archives/issues/spring2007/features/jack_smith.php.
  8. [8] Au cours de la fameuse interview avec Sylvère Lotringer, Smith proclame que les méthodes de William Burroughs ne sont pas nécessaires. En recommandant à Lotringer de cesser d’avoir peur du langage, Smith a inventé le titre « Hatred of Capitalism » que Lotringer utilisera comme nom de la dernière collection de Semiotext(e). Smith : « Ecoute, tu es une créature, artistique je dirais, qui d’une certaine façon est obsédée par la question du langage. Oublie. C’est la pensée. Si tu peux penser à une pensée dans un langage extrêmement pathétique … Si tu peux penser à quelque chose, le langage se mettra en place de la manière la plus fantastique, mais c’est la pensée qui va faire cela » ;
    Jack Smith, « Uncle Fishook and the Sacred Poo Poo of Art », entretien avec Sylvère Lotringer, in Wait For Me at the Bottom of the Pool, p. 114.
  9. [9] Transcription de l’auteur.
  10. [10] J. Hoberman, « Jack Smith: Bagdada and Lobsterrealism », in Wait For Me at the Bottom of the Pool, p. 15.
  11. [11] Cité par Di Prima, in Joyelle McSweeney, The Necropastoral: Poetry, Media, Occults, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2014, p. 22. McSweeney poursuit en soulignant que « l’incapacité de Smith de finir le film » était « comme une sorte d’envoûtement par les forces occultes du film même… ». Les aspects occultes du glamour font partie de son histoire étymologique. « Glamour » dérive d’une utilisation médiévale spéciale de « grammaire » pour signifier le savoir occulte et l’incantation. Walter Scott a popularisé le mot en 1805, en synonyme d’ « inquiétant » (uncanny). À la fin des années 1930, « glamour » se référait aux célébrités hollywoodiennes les plus élégantes. Les définitions multivalentes du mot sont utilisées par Smith, Di Prima et McSweeney. Glamour: A History de Stephen Gundle montre que « glamour » s’est également référé à la démocratisation du style royal et aristocratique. « Les figures les plus glamour depuis 200 ans n’ont pas été les détentrices du pouvoir, riches par hérédité ou légitimes. Elles étaient des outsiders, des arrivistes et des parvenues. » Cette version de « glamour » va très bien avec l’utilisation par Smith (et plus tard Warhol) du terme « superstar. »
  12. [12] J. Hoberman, « Jack Smith: Bagdada and Lobsterrealism », in Wait For Me at the Bottom of the Pool, p. 15.
  13. [13] La théorie « reptilienne » du jeu théâtral de Smith s’est développée dans les années 1970 ; appliquée à sa production de Ghosts et d’Hamlet, elle a beaucoup de points communs avec le travail du dramaturge Herbert Blau et son idéal hamlétien de pensée sanglante et de jeu con-sistant à « penser et mourir sur scène ». La technique de Blau de « fantomisation » (ghosting) implique de prendre un texte canonique, abandonner le script et répéter des vers à moitié retenus jusqu’à ce qu’ils se désintègrent. Smith et Blau reprennent la physicalité de l’anti-texte d’Artaud, mais ni l’un ni l’autre ne sont aussi désireux qu’Artaud de sacrifier les gestes et les textes canoniques. Jack Smith se cite dans un communiqué de presse qui décrit son application de la méthode reptilienne dans Hamlet : « Nous avons des idées révolutionnaires sur le jeu et nous les testons sur la pièce la plus maltraitée du monde (Hamlet) … si un acteur se tient sur la scène et qu’il pense, le public sait ce qu’il pense, et c’est plus direct et plus clair que des vers mémorisés. En fin de compte, le discours mémorisé est sans doute la chose la moins théâtrale qui puisse se produire sur la scène ou n’importe où ailleurs. » « ACTAVISME, PLEIN D’ACTION, JEU D’ACTION … », in Wait For Me at the Bottom of the Pool, p. 165. Pour « ghosting », voir Herbert Blau, Reality Principles: from the Absurd to the Virtual, Ann Harbor, University of Michigan Press, 2011.
  14. [14] L’idée de garder son appartement pour un tombeau fut exprimée par son amie Penny Arcade.
  15. [15]  Littéralement, des fans de la culture drag corporate.
  16. [16] Jack Smith, « Lobotomy in Lobster Land », in Wait For Me at the Bottom of the Pool, p. 81-89.