Le Complot de l’ornement

— Gallien Déjean

Left Behind, 2010, Vue d'exposition, CAPC Musée d'art contemporain, Bordeaux

« L’effet Technicolor de sa peinture résulte du fait qu’il ne sait pas comment composer ses couleurs. Le réalisme qu’il crée est entièrement superficiel. »
Nicolas Calas, « Antisurrealist Dalí », in View, série I, nº6, juin 1941, p. 1 et 3.

Cinquante-six ans après les faits, une étrange révélation implique le Surréalisme dans l’une des affaires de meurtre les plus célèbres des États-Unis. Après des années d’enquête, Steve Hodel, ancien inspecteur du Los Angeles Police Department, affirme que son propre père n’est autre que le mystérieux assassin du Dahlia noir[1], dont le cadavre sectionné est découvert en 1947 dans un terrain vague. George Hodel, chirurgien réputé, dandy hollywoodien, ami de John Huston, amateur d’art et de parties fines, est accusé par son fils qui découvre des photos de la victime dans les effets personnels du vieillard décédé. Une drôle d’affaire, qui mériterait de figurer dans Hollywood Babylon de Kenneth Anger[2]. Le suspect, grand admirateur du Surréalisme et proche de Man Ray, se serait inspiré de deux œuvres de l’artiste, Minotaure (1934) et À l’heure de l’Observatoire, les amoureux (1932-1934), pour la mise en scène crapuleuse du meurtre d’Elisabeth Short. Un ouvrage paru en 2006 prétend même que les indices cryptés du crime parsèment les productions surréalistes postérieures, et pas des moindres[3]. Étant donnés : 1º la chute d’eau, 2º le gaz d’éclairage illustre le propos de manière exemplaire : l’œuvre ultime que Marcel Duchamp commence en 1946 (un an avant le meurtre) et « inachève » en 1966, inviterait le regardeur voyeuriste à élucider lui-même le mystère. Avec un peu d’imagination, les similitudes entre la scène du crime et l’installation de Duchamp paraissent troublantes. Les deux auteurs de la thèse s’en défendent, mais la rhétorique employée insinue bel et bien, avec un certain sensationnalisme, l’implication indirecte des artistes dans cette affaire. Les théories conspirationnistes, décidément, sont capables aux États-Unis d’infuser tous les champs de la connaissance, y compris l’histoire de l’art.

Ces élucubrations ont inspiré l’une des quinze peintures monumentales que Jim Shaw exposait cet été au CAPC de Bordeaux. La toile (Dr. Goldfoot & His Bikini Bombs, 2007) est un autoportrait fragmenté de l’artiste qui flotte au-dessus d’une évocation du paysage d’Étant donnés… de Duchamp, d’une fille en bikini et du visage de Vincent Price composé de corps souffrants entremêlés les uns aux autres (inspiré par l’affiche du film de Roger Corman Le Masque de la mort rouge, sorti en 1964). La curiosité de l’artiste pour les spéculations de l’affaire du Dahlia noir revêt une coloration presque paradigmatique quand elle est mise en regard avec les particularités de son œuvre : un Surréalisme américain enchevêtré avec l’industrie cinématographique florissante et la culture de masse (véhiculée par les tabloïds, la télévision et les pulps), d’où surgissent les mythes modernes, les fantasmes (la conspiration) et les pulsions d’une société. Quant au morcellement surréel du corps du Dahlia noir, l’image elle-même renvoie aux portraits disloqués que Shaw peint, à son attrait pour l’éclatement de la personnalité[4], ainsi qu’à ses tentatives de fragmenter l’unicité expressive de l’artiste en une multiplicité de styles d’emprunt – exposant parfois même des œuvres dont il n’est pas l’auteur (les croûtes loufoques, souvent anonymes, qu’il récolte dans les dépôts-vente pour la collection des Thrift Store Paintings).

L’architecture du CAPC recouvre quasiment sa fonctionnalité originelle puisque l’ensemble de l’exposition Left Behind s’apparente au hangar de stockage d’une industrie du spectacle. À l’entrée, le spectateur doit littéralement passer derrière les décors peints entreposés pour parvenir au cœur des circonvolutions du parcours et découvrir la monumentalité des quinze toiles produites par l’artiste depuis 2004, les sculptures qui les accompagnent ainsi qu’une collection d’illustrations apocalyptiques d’églises évangélistes. L’idée des grands formats découle du projet de bannières réalisées en 2000 avec Mike Kelley pour l’exposition du CoCa de Seattle autour de Destroy All Monsters[5] – groupe désormais culte de la scène punk-noise qu’ils montèrent à Détroit durant les années 1970 avant de rejoindre Cal Arts (l’école d’art fondée en Californie par Walt Disney). Vers 2003, alors que sa femme, l’artiste Marnie Weber, cherche une scénographie pour l’un de ses films, Shaw repère sur Internet un fournisseur de théâtre basé à Hollywood qui écoule ses vieux stocks de fonds de scène : bourgade à la frontière mexicaine, suburbs, stade de football américain des années 1920, gas station, locomotive sixties stationnée près des Rocheuses… Des paysages typiquement américains, chacun ayant participé à une certaine construction mythologique du territoire, que Shaw confronte, d’ailleurs, avec sa réactualisation contemporaine dans Mini-mall(2008) : la vue du parking du « nouvel espace de pauvreté, la galerie marchande de banlieue ruinée et déglinguée[6]», monumentalisée par une perspective spectaculaire sur une toile de 3 mètres de haut par 10 de long. Chaque décor de théâtre est soigneusement customisé par des visions apocalyptiques cryptées qui flottent sur la surface du fond. Une imagerie amphigourique et hétérogène incorporant pêle-mêle des références bibliques, des renvois à ses travaux précédents, des portraits hyperréalistes d’hommes politiques, des emprunts à l’histoire de l’art moderne, à la culture populaire underground ou mainstream (comics, série Z, dessins de presse, publicités)… L’impression d’exotisme, évidemment, est induite par la perception du spectateur européen, ignorant la plupart des icônes d’une culture visuelle intrinsèquement américaine que Shaw manipule avec une érudition anthropologique[7]. Une extériorité géographique qu’il faut minimiser, pourtant, car l’étrangeté des représentations fonctionne de même pour le public américain puisque le mode opératoire auquel Shaw s’astreint relève d’associations énigmatiques fondées sur ses obsessions personnelles. Des associations, donc, qui dépendent davantage d’une pratique vernaculaire du bricolage, sur un mode paranoïaque, que des techniques d’appropriation génériques d’images médiatiques à la sauce post-pop issue des années 1980. À l’instar des théories qui prolifèrent sur Internet, la méthode s’apparente, non sans humour, aux investigations du geek qui pioche les éléments disparates d’une culture commune pour les encoder selon ses propres fantasmes conspirationnistes[8]. Prenons, dans sa globalité, Montezuma Revenge (2007), l’une des dix-neuf descriptions d’œuvre que Shaw a rédigées dans le dossier de presse du CAPC, pour comprendre l’ampleur du dispositif :

Lors d’un voyage au Mexique, j’ai lu des articles sur le calendrier maya, sur l’avènement d’une ère nouvelle censée survenir en 2012 et sur les diverses drogues indigènes contenant de la diméthyltryptamine (DMT). Au retour, j’ai mangé quelque chose à l’aéroport qui m’a donné une horrible tourista, ou « revanche de Montezuma ». Une de mes assistantes avait rêvé d’une œuvre réunissant des portraits de tous ses collègues insérés dans des bulles en forme d’amibes. J’avais un décor de théâtre qui représentait un quartier glauque de San Antonio, à la frontière entre les États-Unis et le Mexique. J’ai mis toutes ces choses dans la fresque qui est dédiée aux fantasmes d’apocalypse non-chrétiens. Vingt arcs placés autour d’un trou forment un sphincter géant inséré dans une amibe rose. J’ai ajouté plusieurs motifs apocalyptiques sous forme de signalétique. Chacun des arcs contient une série d’images correspondant à différents scénarios de fin du monde, dans des tons bruns et or qui soulignent l’aspect fécal. Il y a notamment des glyphes mayas figurant les dieux ou les mois du calendrier, des plantes hallucinogènes susceptibles de provoquer une apocalypse personnelle, des images de demi-dieux rencontrés dans des états de conscience modifiés. Il y a aussi des chefs de sectes millénaristes, imposteurs malfaisants et ennemis jurés des États-Unis, des modèles scientifiques de fin du monde, le Ragnarök de Jack Kirby, quelques dates de fin du monde annoncées au fil des siècles et, pour faire bonne mesure, des horloges numériques indiquant les passages de la Bible relatifs à l’Armageddon.

Tout le paradoxe de Shaw est d’arriver, dans ses toiles, à la production d’un réseau de signifiants hermétiques : un système, à l’échelle de l’exposition, basé sur des références et des obsessions collectives mais dont la plupart des liaisons demeurent exclusivement intimes. Reste au spectateur à se plonger dans un foisonnement d’images, dont la compréhension n’advient que par l’expérience puisque toute analyse descriptive, forcément partielle, est impuissante à se saisir des entrelacements de l’exposition[9].

Dans une conversation avec Jim Shaw, Mike Kelley, revenant sur sa série My Mirage, analyse le rapport à la culture qu’entretient son ami :

Ce travail est presque un index des métaphores populaires des illustrations. Dans notre jeunesse, on éliminait la culture populaire sous prétexte qu’elle était monolithique, et on considérait ses différentes manifestations comme indignes d’être analysées. Ce que My Mirage révèle si clairement, c’est à quel point beaucoup de ces expressions visuelles sont très spécifiques. Elles sont destinées à des publics très particuliers : le monde des affaires, les enfants, les femmes au foyer, etc., etc., etc. Et cette spécificité confère à ces langages un caractère très mystérieux ; bien souvent, ils sont inintelligibles aux gens de la communauté à laquelle ils sont destinés[10].

Si Pop il y a, la démarche de Jim Shaw ne relève sûrement pas du pastiche postmoderne ni d’une appréhension générique des formes qu’elle s’approprie. Au contraire, elle revendique la prise en compte des spécificités populaires dévalorisées par le cloisonnement hiérarchiques des frontières culturelles et artistiques traditionnelles. Pour mieux le déchiffrer, il faut retracer la généalogie de ce versant du Pop art dont est issu le travail de Jim Shaw – une généalogie prenant source dans le Surréalisme américain. En 1941, de nombreux artistes autour d’André Breton émigrent outre-Atlantique. La période est mal étudiée, l’historiographie considérant l’exil comme le moment du déclin des avant-gardes de la première moitié du xxe siècle[11]. Les études ont évoqué l’influence du Surréalisme sur l’École de New York, mais les relations qu’il a entretenu avec le Pop art sont peu documentées malgré une filiation manifeste[12]. Depuis les années 1920, le Surréalisme s’intéressait à la culture populaire : illustrations de gazette, littérature de gare, cinéma[13]… Pourtant, l’imagerie demeurait souvent limitée à une certaine esthétique dix-neuviémiste (le recyclage des vieilles gravures, l’attrait nocturne des Buttes Chaumont dans Le Paysan de Paris, etc.). L’intérêt pour le populaire s’effectuait sur un mode nostalgique : les déambulations dans les vieux quartiers de Paris avant leur réhabilitation, les vieux métiers en voie de disparition… Un élan que Walter Benjamin qualifiera, en parlant du Surréalisme, de « découverte des énergies révolutionnaires qui se cachent dans le “suranné”[14] ». À partir de 1941, cet attrait pour des objets insignifiants, négligés par l’histoire, subit une véritable mutation lorsque le mouvement découvre la culture de masse produite par les États-Unis et s’en empare – selon des processus de cannibalisation réciproque[15]. Une modification qui amène Breton à reformuler certains de ses objectifs d’avant-guerre : la réévaluation de la pertinence des anciens mythes en fonction de leur pouvoir d’émancipation, leur réactualisation par une confrontation avec les nouveaux éléments culturels disponibles (cinéma hollywoodien, comics, science-fiction, publicité, etc., que les artistes mêlent avec une iconographie occultiste et alchimique) pour favoriser l’émergence de nouveaux mythes collectifs[16]. En 1942, le catalogue de First Papers of Surrealism, l’exposition organisée à New York par Breton et Duchamp, associe le mythe du surhomme à une illustration de Superman. La même année, Matta commence Les Grands Transparents, un travail où l’influence des superheroes et de la littérature fantastique est évidente. En 1943, Robert Allerton Parker publie un article intitulé « Such Pulp as Dreams are Made on » dans la revue VVV[17], illustré par le dessin d’un super-méchant (une créature des marais géante qui s’attaque à l’aviation militaire). Robert Allerton Parker, proche de Breton et préfacier du catalogue First Papers of Surrealism, est également un spécialiste des mouvements messianiques contemporains (il publie des ouvrages sur John Humphrey Noyes, fondateur de la communauté Oneida et sur Father Divine). Il insiste dans l’article de VVV sur la nécessaire réhabilitation des pulps et de toute la littérature populaire de science-fiction – espace de surgissement des pulsions et des obsessions refoulées de la société au sein de la production culturelle de masse. Messianisme, science-fiction, mythologie antique, comics… Des récits et des imageries manipulés par le Surréalisme dès les années 1940, dont Jim Shaw s’empare à son tour en les synthétisant avec la culture psychédélique californienne des sixties. L’œuvre de Shaw ne s’inscrit pas dans un champ particulier : ni dans celui d’une culture de masse imposée, coïncidant avec l’idéologie dominante, ni dans celui des cultures contestataires spontanées. Son post-Surréalisme relève davantage d’une zone de négociation qui se situe entre ces deux blocs. Cette stratégie concourt au mixage des éléments et des valeurs idéologiques des cultures dominantes, subordonnées et contestataires, donnant lieu à des permutations infinies. Grâce aux techniques d’associations issues du Surréalisme, Shaw effectue une mise à niveau des différents registres : art savant, anonyme, folk art, productions de masse – une mise à niveau qui revêt une dimension inévitablement politique.

Au CAPC, Montezuma Revenge sert de toile de fond à l’installation Labyrinth : I dreamed I was taller than Jonathan Borofsky, réalisée en 2009 pour le Printemps de Septembre à Toulouse. Les seize éléments du décor sont des panneaux peints, maintenus au sol par des sacs de sable. Au départ, l’agencement était in situ puisqu’il fonctionnait avec l’immense rideau de scène conservé dans une salle des anciens abattoirs de Toulouse, commandé à Picasso en 1936 par le gouvernement du Front populaire. À celui de Picasso s’ajoutait, pour compléter le dispositif, le rideau que Dalí réalisa pour la création de The Three Cornered Haten 1949 au Ziegfield Theater à Broadway[18]. Labyrinth brasse les références : histoire de l’art (Rembrandt, Goya, Surréalisme européen et américain…), panoramas militaires (bombardements aériens), culture pop (l’ermite de la pochette ésotérique de l’album Led Zeppelin iv), dessins satiriques (de la presse syndicaliste des années 1930 à la contre-culture des années 1960-1970). Une manière pour Shaw, selon Fabrice Stroun (l’un des commissaires de l’exposition de Toulouse), d’évoquer « une histoire des représentations contestatrices, des guerres napoléoniennes jusqu’au maccarthisme, dans un aller-retour constant entre le vieux et le nouveau continent[19] ». L’artiste lui-même considère l’ensemble de ses décors de théâtre comme des caricatures politiques. La série, qu’il débute en 2004, sur fond d’élection présidentielle, en plein enlisement irakien, satirise la révolution conservatrice amorcée au début des années 1980 par le reaganisme et le thatchérisme et son enracinement sous George W. Bush. Un processus qui nous a fait passer, déclare l’artiste, « de la mythologie du New Deal au mauvais rêve néolibéral actuel[20]». Avec le complot, Shaw invente une formule plastique : une nouvelle figure stylistique pour métaphoriser l’évolution de la société américaine. Le titre de l’exposition du CAPC, Left Behind, est tiré d’une série de best-sellers chrétiens apocalyptiques. Mais il renvoie également, dans un sens littéral, à l’effondrement du mouvement ouvrier. Toute l’imagerie accumulée dans ses œuvres, ainsi que sa collection d’objets religieux millénaristes, documentent les transitions collectives des États-Unis. La disparition du mouvement syndicaliste au profit du néo-conservatisme. La dissolution de la contre-culture et du psychédélisme, remplacés dans les années 1980, par la toute-puissance des églises évangélistes, soutien influent de la politique libérale. Dans La Totalité comme complot, Fredric Jameson[21] constate l’impossibilité de se représenter la « cartographie cognitive » du capitalisme tardif – espace abstrait, opaque, privatisé, fractionné, globalisé. La conséquence de cette impuissance, selon l’auteur, correspond à l’émergence d’une pensée du complot. Imaginaire irrationnel qui, malgré sa trivialité douteuse, traduit des aspirations individuelles envers « la totalité sociale, en vue d’une réappropriation collective du monde contre les dépossessions du capital[22]». Ce substitut de « grand récit » s’élabore comme un patchwork, avec les moyens du bord, à partir des petites narrations impures de la culture de masse. Les caricatures de peinture d’histoire, disloquées et paranoïaques, que l’artiste expose à Bordeaux relèvent d’un régime similaire. Tout l’artifice chatoyant de la société capitaliste est présent dans les toiles monumentales de Jim Shaw, mais leurs compositions sont bancales, remplies d’aberrations visuelles découlant d’astuces formelles hétérodoxes, sur le modèle des peintures du dimanche que l’artiste a rassemblées dans la collection des Thrift Store Paintings. C’est peut-être pour cela que leur reproduction photographique est toujours décevante. Une stratégie ajustée pour mieux briser la continuité aveuglante que « l’ornement de la masse », comme l’appelle Siegfried Kracauer[23], étale pour recouvrir le monde. Rien ne sert de fuir cet ornement, il faut lui faire face et le traverser pour qu’il vole en éclats.

Robert Allerton Parker, « Such Pulp as Dreams are Made on », VVV, Almanach for 1943, nº 2-3, New York, mars 1943, p. 62

  1. [1] Steve Hodel, L’affaire du Dahlia noir, Paris, Le Seuil, 2005.
  2. [2] Les chroniques sulfureuses de la jet-set californienne que le cinéaste publie en 1959 chez Jean-Jacques Pauvert.
  3. [3] Sarah Hudson Bayliss, Mark Hudson, Exquisite Corpse: Surrealism and the Black Dahlia Murder, New York, Bulfinch, 2006.
  4. [4] La série My Mirage (1986-1991), par exemple, raconte l’édification chaotique de l’individualité de Billy, alter ego fictionnel de Jim Shaw, depuis son enfance dans le Midwest jusqu’à l’âge adulte, en passant successivement par les expérience psychédélique, New Age et chrétienne ultraconservatrice.
  5. [5] Destroy All Monsters est fondé en 1973 par Jim Shaw, Mike Kelley, Niagara et Cory Loren. Malgré le peu de succès commercial, le groupe à géométrie variable accueillera des membres des MC5 ou des Stooges. Une compilation réunissant les enregistrements de la première période est sortie sur le label de Thurston Moore (Destroy All Monsters: 1974-1976, Ecstatic Peace!, 1994). DAM est également un fanzine dont les six premiers numéros ont été réédités en 1997 (Mike Kelley, Cary Loren, Niagara, Jim Shaw, Destroy all monsters—Geisha this : a compilation of the first six issues of « Destroy all monsters magazine » 1975-1979, Oak Park, Book Beat Gallery, 1997).
  6. [6] Cette citation de Jim Shaw est extraite du dossier de presse du CAPC.
  7. [7] Jim Shaw amasse chez lui des collections bizarres de produits culturels usagés (bibelots, jouets, pochettes de disque, littérature adolescente, propagande sectaire…).
  8. [8] La figure du geek paranoïaque pourrait constituer (après le bricoleur ou l’adepte du tuning, par exemple) un nouveau modèle de pratique vernaculaire en adéquation avec les technologies contemporaines : un réagencement du monde selon des outils préexistants, dont l’analyse remonte aux théories de Michel de Certeau sur le « braconnage culturel ».
  9. [9] Jim Shaw aime décrire ses propres pièces. C’est ce qu’il fait de façon détaillée pour le dossier de presse de l’exposition, mais aussi dans les titres interminables des œuvres appartenant à certaines séries antérieures (Dream Drawings et Dream Objects). Une manière, peut-être, de priver le discours critique d’une partie de son pouvoir d’énonciation.
  10. [10] « Here comes everybody : une conversation entre Jim Shaw et Mike Kelley », in cat. Jim Shaw. Everything must go, Luxembourg, Casino Luxembourg, Genève, Mamco, Santa Monica, Smart Art Press, 1999.
  11. [11] Fabrice Flahutez a publié un ouvrage sur le sujet en 2007. Fabrice Flahutez, Nouveau monde et nouveau mythe. Mutations du surréalisme, de l’exil américain à l’ « Écart absolu » (1941-1965), Dijon, Les presses du réel, 2007.
  12. [12] Si le Surréalisme, dans son intérêt pour la vie quotidienne et les cultures populaires, est une des sources d’émergences du Pop art aux États-Unis dans les années 1960 (Warhol lui-même était un grand admirateur de l’œuvre de Chirico. Sur ce sujet, voir mon article : « Les disciples du maître de la copie » in Giorgio de Chirico – La fabrique des rêves, Paris, Beaux-Arts Magazine hors-série, février 2009, p. 61-63), le Pop art anglais, quant à lui, résulte dès les années 1950 d’une synthèse similaire, lorsqu’il découvre la culture américaine. C’est dans un collage de 1947 de l’artiste écossais surréaliste Eduardo Paolozzi (fondateur de l’Independant Group en 1952) qu’apparaît l’occurrence « pop ! » pour la première fois dans un contexte artistique.
  13. [13] Je renvoie sur le sujet à l’ouvrage américain : Robin Walz, Pulp Surrealism. Insolent Popular Culture in Early Twentieth-Century Paris, Berkeley et Los Angeles, University of California Press, 2000.
  14. [14] Walter Benjamin, « Le Surréalisme. Le dernier instantané de l’intelligentsia européenne », in Œuvres, Tome 2, trad. M. de Gandillac, P. Rusch et R. Rochlitz, Paris, Gallimard, 2000, p. 119.
  15. [15] Lorsqu’ils arrivent aux États-Unis, les Surréalistes découvrent avec étonnement que les grands magasins, pour l’aménagement de leurs vitrines, réutilisent les solutions formelles élaborées par les avant-gardes européennes.
  16. [16] André Breton, De la survivance de certains mythes et de quelques autres mythes en croissance ou en formation, Paris, Le Terrain Vague, 1988.
  17. [17] Robert Allerton Parker, « Such Pulp as Dreams are Made on », in VVV, Almanach for 1943, New York, mars 1943, p. 62.
  18. [18] Une installation orpheline puisque la commission d’acquisition toulousaine, avec un bel esprit d’à-propos, a refusé de l’acheter, privant l’intervention de Shaw de son environnement d’origine.
  19. [19] Fabrice Stroun, « Nous nous déclarons en insurrection contre l’Histoire », texte à paraître dans le catalogue de l’exposition du Centre d’art moderne et contemporain des anciens abattoirs de Toulouse.
  20. [20] Cette citation est extraite du dossier de presse du CAPC.
  21. [21] Fredric Jameson, La Totalité comme complot, Paris, Les Prairies Ordinaires, 2007.
  22. [22] Thierry Labica et Fredric Jameson, « Le grand récit de la postmodernité », in La Revue Internationale des Livres et des Idées, nº1, Paris, 2007.
  23. [23] Siegfried Kracauer, L’Ornement de la masse. Essais sur la modernité weimarienne, trad. S. Cornille, Paris, La Découverte, 2008.
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« Les objets dangereux sont des lieux séduisants à vivre. »
in May N°2