Préface

— May

Mai 2012 : au moment où nous achevons ce numéro, des images du mouvement des étudiants de Montréal se substituent à celles d’Occupy Wall Street, qui peine à survivre, délogé de ses bases géographiques symboliques, et à celles des révolutions arabes, privées de leur élan de liberté initial. Quelques mois auparavant, nous étions encore absorbés par les séances de human mic. de Zuccotti Park et par les diaporamas d’images stéréotypées des révolutions arabes qui circulaient sur Internet et qu’une musique lyrique accompagnait, se répétant d’un pays à l’autre au point de se confondre. Tout prenait, semble-t-il, un autre sens : ce qui se nommait « art politique » (et ses dérivés) auparavant était tout autrement interprété dans ce contexte où chacun s’engageait plus ou moins consciemment dans de nouveaux dispositifs de communication, expérimentant de nouvelles organisations, de nouveaux langages, et de nouvelles formes.

Ce numéro de May s’intéresse en premier lieu aux dispositifs visuels et performatifs mis en place au cours de ces différents mouvements de contestation, corrélés d’une part à l’utilisation originale de nouvelles technologies de communication rendues accessibles à une majorité de la population (images et clips enregistrés sur des smartphones, utilisations de réseaux sociaux sur Internet, etc.) et d’autre part, aux moyens plus traditionnels d’organisation politique et de manifestations (tracts, pancartes, etc.) Cependant, notre propos n’est pas seulement de relever, comme d’autres médias l’ont fait, l’émergence de ces pratiques dans l’espace public, mais aussi d’interroger ces stratégies en terme de langage, en les mettant en regard d’autres expériences historiques, ainsi qu’en observant certaines formes de contestation à l’aide de documents et de récits plus subjectifs.

Les langages mêmes de ces révoltes récentes sont inédits dans la manière dont ils s’inscrivent dans des réseaux de communication sociaux, certains alternatifs, d’autres partie prenante d’une économie néocapitaliste dont l’« ouverture » est ici détournée, et dans la manière de produire des dispositifs visuels susceptibles de rendre compte de leur démarche, de la propager et de la prolonger, allant dans un même élan jusqu’à écrire une histoire du présent sur le vif. Ils le sont également dans leur implacable référence aux défenses des libertés sur Internet, lutte exemplaire que l’on retrouve au cœur du mouvement Anonymous dont les membres sont intervenus plus ou moins directement dans les différents mouvements évoqués. Leurs stratégies se fondent sur la disparition de la figure de l’auteur et de celle du héros pour laisser place à des formes de luttes décentralisées, souples et insaisissables. Les formes de la contestation se déplacent ici sur les champs de bataille de l’information, des références et du langage, défient les modèles établis de la rhétorique et du politique, ainsi que celle de leur circulation. Venues de l’autre côté de l’Atlantique et de la Méditerranée, ces formes et leur contestation s’adressent aussi à nous.

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