Sur le film d’Isa Genzken, Die kleine Bushaltestelle

— Karl Holmqvist


Exposition

Isa Genzken, Die kleine Bushaltestelle
Schinkel Pavillon et Kino Arsenal, Berlin
27 janvier – 11 mars 2012



Isa Genzken, Die kleine Bushaltestelle (Gerüstbau), 2007-2010, photogramme

Ça semblait vraiment une très bonne idée quand deux des personnalités les plus iconiques du monde artistique, les artistes Isa Genzken et Kai Althoff ont décidé de se mettre en scène pour tourner une série d’épisodes filmiques sous le titre Die kleine Bushaltestelle. Le film a été réalisé apparemment entre 2007 et 2010 mais il a été montré pour la première fois cet hiver seulement, en 2012 et Isa Genzken est créditée. Le jeu des deux personnages principaux est parfait puisqu’ils jouent leurs propres rôles, mais aussi une scène de médecins, de prostituées, de détectives privés ou de nourrissons. Ils utilisent parfois leurs vrais noms, et s’en inventent parfois de nouveaux, et leurs tenues, leurs âges et leurs genres s’enchaînent avec une parfaite fluidité.

Le film a été tourné à Berlin, Cologne et New York, dans des couloirs d’hôtels quatre étoiles, dans le studio et le bureau de l’artiste ou à l’arrache sur le trottoir d’un grand magasin berlinois. Assis sur un balcon, pendant une pause entre deux passes, « Kai » joue la sérénade à son amie en lui chantant une mélodie entêtante qui restera dans les oreilles des spectateurs durant tout le reste de la projection.

On peut aussi les voir dans un bar des sports new-yorkais, cette fois-ci dans leurs propres rôles, en train de discuter des possibilités et des échecs éventuels liés à l’art politique, un téléviseur à écran plat avec le son AU MAXIMUM qui diffuse les résultats sportifs au fond. Les sujets abordés varient ainsi en fonction des lieux, le caractère aléatoire des bulletins météo berlinois comparé à celui des bulletins new-yorkais, le besoin d’avoir de l’argent, et beaucoup, ou cette sorte d’angoisse liée au fait d’être un artiste et une personnalité semi-publique.

Le film évidemment va donner encore plus de visibilité aux deux artistes. Il se dit qu’Isa Genzken aurait souhaité que la copie DVD soit largement distribuée et disponible dans les rayons de chaque supermarché du coin. On dirait que, quel que soit le nombre de rôles, de voix ou de déguisements, qu’ils adoptent, ils apparaissent, toujours en tant qu’eux-mêmes. Les grands yeux sombres de Genzken, alors qu’elle tente de discerner l’humeur présente de son collègue, contiennent un monde d’expression. Elle est également extrêmement convaincante dans le rôle d’un médecin, vêtue d’une blouse blanche classique de laboratoire, faisant preuve face à son patient et devant nous, spectateurs, d’un immense sang-froid. Kai Althoff, de son côté, est peut-être le plus attachant lorsqu’il joue un jeune délinquant dans la saynète qui a donné son nom au film. Alors qu’il se promène dans une rue de Berlin son oreiller préféré sous le bras, il tombe sur une femme d’âge mûr à l’air grave qui vient de décorer un arrêt de bus, en train d’admirer son œuvre. Le jeune homme décide alors de poser son oreiller sur l’épaule de la femme et s’apprête à s’installer lorsqu’il se fait sèchement réprimander par celle-ci, qui n’est pas du tout d’accord. Et la liste continue avec des serveurs, des malades, un professeur de piano fumant cigarette sur cigarette devant son élève asthmatique, des artistes célèbres, des promeneurs de chiens… Plutôt que d’illustrer les pratiques artistiques de chacun des deux artistes, le film donne une idée de l’imagination toujours plus abondante que l’on retrouve chez eux, ainsi que dans ce film. Je vais vouloir le voir plusieurs fois et j’attends avec impatience la suite !

Traduit de l’anglais par Catherine Demptos

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